Le Perchoir 🪶

J'ai participé à l'exposition photo "SANS DESSOUS DESSUS" sur les corps trans.

⋅ AVERTISSEMENTS DE CONTENU ⋅

Ce post montrera plus bas, une photo de ma poitrine à nue. Juste ma poitrine.

Pour mes proches :

Parce que je sais qu'il y a des proches qui vont tomber sur ce post, vous êtes également prévenue. Je suis de l'opinion qu'une poitrine nue, ce n'est rien de fou, mais peut-être que vous ne voulez pas voir ça pour X raisons. Pour ces mêmes personnes : ceci est un post très intime, je vais parler de choses dont je ne parle jamais et que vous ne voulez peut-être pas savoir. Vous allez vous en remettre et si cela venait à changer votre opinion de moi, c'est vous que je jugerai, mais tout de même, par sécurité : vous êtes prévenu.


⋅ MENTIONS D'AFFILIATIONS ⋅

Je ne suis qu'une participante à cette exposition, pas son autrice et n'est pas participer à son organisation.

Je n'ai aucun lien particulier avec l'auteur ou les associations présentes. Je participe fréquemment à certains des événements d'Ancres, mais je ne suis pas affiliée avec l'association et elle n'a pas de lien avec moi. Je ne parle qu'en mon nom.

Ce post à était réalisés avec l'accord du photographe de l'expo Sam Castilla.

POUR FAIRE PLUS SIMPLE : si jamais dans le futur, je venais à écrire une grosse connerie sur ce blog, aucun des autres participants, aucun des organisateurs ou même le photographe n'est à blâmer. Juste moi. :)


Je vous présente d'avance mes excuses, j'ai vraiment galéré à écrire ce billet. De base, il devait être fait il y a très longtemps, mais entre temps, quelqu'un a eu la bonne idée de dissoudre l'Assemblée nationale ce qui est venu un peu chambouler mon emploi du temps ainsi que mes pensées. Du coup, ça sort que maintenant alors que l'expo prend fin à la fin du mois et ça risque de paraître un peu décousu. J'ai décidé de pousser pour le sortir avant que le mois ne soit fini.


SANS DESSOUS DESSUS 

SANS DESSOUS DESSUS BANNER

Par précautions de sécurité aux participants, les visages ont était floutés sur cet image.

J'ai eu l'opportunité de participer en tant que modèle à l'exposition photo "SANS DESSOUS DESSUS" destinée à donnée une image différente des corps trans que celles qui reviennent trop souvent.

L'exposition fut organisée par l'association ANCRES et le photographe Sam Castilla, avec l'appui du Girofard, et est exposés pendant tout le moins de Juin 2024 à Bordeaux, au Cours Malby.

La présentation de l'exposition explique bien mieux que je pourrai le faire, le propos tenu par ce projet.

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Quelle que soit la trajectoire de nos vies, nous la parcourons toustes dans un corps. Cette enveloppe de chair qui n'appartient qu'à nous. Nous sommes libres de la personnaliser durant tout le voyage de nos existences, que ce soit au travers du maquillage, des vêtements, des traitements hormonaux, des piercings, des tatouages, de la chirurgie, ou encore du sport.

Au même titre que les personnes cisgenres, les personnes trans ne sont pas exemptées des différentes pressions sociales dictant arbitrairement l'idéal de beauté standardisé. Et évidemment, quand c'est prévu pour tout le monde, ça n'est adapté à personne.

Nos corps trans sont soumis à des injonctions tout au long de nos parcours, pour « se conformer » aux normes de la binarité de genre. Si nous choisissons de nous éloigner des attendus binaires sur nos corps, ceux-ci sont alors perçus comme "pas finis", "en attente d'une transition" qui devrait avoir une fin, des objectifs à atteindre, pour retourner à une "normalité" rassurante pour celles et ceux qui ne nous connaissent pas.

Nos parcours et nos corps sont bien trop souvent représentés à travers des regards cis. Ils sont tour à tour fétichisés, sexualisés à outrance, ou déshumanisés, vus comme des monstruosités.

Pour le Mois des Fiertés 2024, Ancres a choisi de mettre en avant la fierté de nos corps trans. Nous avons choisi de collaborer avec le photographe Sam Castilla, lui-même concerné par la transidentité. Nous avons voulu donner la possibilité à des personnes qui ne se retrouvent pas dans les normes cisgenres de se réapproprier leurs corps par la photo, selon leurs propres termes et conditions.

Nous avons diffusé un appel à modèles, afin que des personnes puissent se saisir de ce projet et en faire le leur. Nous avons bâti notre exposition autour d'une démarche d'empouvoirement, de bienveillance et de reconnaissance entre pair-es. Nous avons ainsi souhaité créer un espace où les modèles volontaires puissent s'affranchir de toutes ces injonctions qu'on ne connaît que trop bien.

Nous vous encourageons vivement à apprécier ces photos non pas comme une simple exposition de corps, mais plutôt d'individualités mises en lumière. Vivez ces images comme des fragments d'intimité, pour vous aussi vous libérer du jugement et embrasser pleinement nos vérités.

LEXIQUE

Binarité de genre: concept utilisé en sciences sociales pour désigner la catégorisation de l'identité de genre en deux formes distinctes et complémentaires : masculin et féminin

Cisgenre (adj.): se dit d'une personne qui n'est pas trans et qui vit donc dans le genre assigné à sa naissance. Souvent abrégé « Non-binaire (adj.): terme parapluie désignant toutes les personnes qui ne se reconnaissent pas, pas toujours ou pas exclusivement homme ou femme. La non-binarité est un spectre large.

Transgenre (adj.): Une personne trans est une personne qui ne se reconnaît pas dans le genre qui lui a été assigné à la naissance. Il s'agit d'un terme qui regroupe une multitude d'identités. Par exemple, une personne dont on a déclaré qu'elle était un homme à la naissance, alors que son identité de genre est femme, est une femme trans. L'adjectif transgenre est souvent abrégé en "trans".


Pourquoi participer ?

"Nous cherchons donc des personnes qui souhaiteraient être modèles pour cette série de photographies.

La participation est ouverte aux personnes trans et/ou non-binaires, ou en questionnement de genre.

Le shooting photo aura lieu le 27 avril 2024 à Bordeaux (l'adresse exacte du lieu sera communiqué en tant voulu aux personnes participantes)

Quelle que soit ton expérience et ton rapport à ton corps, si ce projet t'intéresse sens-toi libre de remplir le formulaire de participation que tu trouveras en lien dans notre bio Instagram.

Les candidatures sont ouvertes jusqu'au 31 mars.

Notre volonté avec ce projet est aussi et surtout de pouvoir proposer une journée qui puisse être pour les personnes participantes un moment pour soi, et un outil d'empowerment 🌱"

"L'objectif de ce projet qui affichera des photos de torses nus, est de reprendre le contrôle de la représentations de nos corps, loin des regards deshumanisants ou de la fétichisation.

Nous sommes multiples et nos corps le sont aussi. Représentons ensemble la pluralité de nos êtres !"

On m'avait fait savoir que l'association Ancres, dont je fréquentais certains événements depuis plusieurs mois maintenant, cherchais des modèles pour un projet artistique centrés des photos de torses trans. J'avais mentionné par le passé que j'aurais voulu faire du modeling en tant que femme transgenre pour donner de la représentativité aux gens comme moi, mais j'avoue que ce n'est pas forcément ce que j'avais en tête.

Malgré ça, le projet me sonnait intéressant et étant encore en début de transition, avec une forme de seins qui commençaient tout juste à apparaître, je me disais que c'était une bonne idée. J'avais un besoin que j'ai toujours, bien qu'amoindrie par d'autres expériences que j'ai eu depuis, de milités pour cette cause qui est la nôtre. J'avais ce besoin de rendre à cette communauté qui est aussi la mienne, car elle m'a énormément fait de bien et je voulais aider du mieux que je pouvais.

Encore beaucoup de gens sont persuadés que pour qu'une femme trans ai des seins, elle doit systématiquement passer par une chirurgie. Il y a encore et toujours cette idée que tout ce qui est trans est forcément faux, que tout est du silicone et que c'est forcément "transformer un corps d'un sexe en un autre".

Bon alors, déjà, même si c'était le cas, ça ne changerait rien. Mais ce qui me dérange, c'est que c'est une vision tellement limitée de la chose. En réalité, c'est à la fois bien plus simple et bien plus complexe que ça. C'est aussi bien plus cool que cette vision foireuse.

Le corps de ce que l'on appelle un "homme" et celui de ce que l'on appelle "une femme", sont beaucoup moins différent que ce que l'on aime se l'imaginer. La différence entre les hommes et les femmes est un mythe plus qu'exagérer. Et je ne vous parle même pas d'un complot anti-trans là, non, je vous parle juste du fait que la société est misogyne. Un peu comme les compétitions sportives, il y a diverses raisons pourquoi elles sont genrées... mais c'est pas pour que les femmes aient une chance de gagner, non, elles le sont surtout parce qu'il ne faudrait surtout pas qu'un homme se sente émasculé parce qu'il a perdu face à une femme, MAIS BREF ! Je divague là.

La différence entre un corps dit "homme" et la différence entre un corps dit "femme", revient à une série de boutons hormonaux. Ce qui se trouve entre les jambes de ce corps, c'est ce qui va définir quels boutons seront appuyés ou non, et dans quel ordre. Sauf que ces boutons, ils sont présents dans tous les corps et ne disparaissent pas.

Donc, si on prend un corps dis "homme", et qu'on commence à lui donner une grosse quantité d'œstrogène, on appuie sur une série de boutons qui n'ont jamais était appuyée pendant la puberté masculine. Et donc, commence une puberté féminine, les répartitions des graisses changes, la composition chimique du corps change, ce qui affecte les humeurs et tout ça, et surtout, pour le cas présent : les seins se développent.

Je parle bien de seins là. Ce n'est pas juste du gras qui se met dans cette zone-là, non, il y a un vrai développement mammaire qui se fait. Et tout ça, ça ne se fais pas avec des médicaments bizarres à la composition chimique douteuse, non, ça se fais juste avec une prise d'hormones qu'on trouve plus largement dans le corps du sexe opposé. Tout simplement.

Je trouve ça fou. Quelque part, en chaque corps masculin, se cache un corps féminin et vice-versa. Bon, plus ou moins, parce que certains changements sont irréversibles après la puberté. Les seins des hommes trans ? Bah, s'ils se sont développés et que la personne ne les veux pas, il faut les enlever, parce qu'ils ne vont pas disparaître avec la prise de testostérone. Par contre, et là, je jalouse les mecs trans : la testostérone change la voix, ce qui n'est pas du tout le cas de l'œstrogène.

M'enfin, voilà. Le corps humain est fou ! Et les gens ne savent pas ça ! Les transphobes ne sont vraiment pas prêts pour qu'on leur dise qu'une femme trans peut allaiter elle-même son enfant avec de la progestérone qui fera que les seins développeront du lait.

Mais ouais, mes seins sont entièrement les miens, ils se développent petit à petit, mais je n'ai pas eu à me les faire rajouter ou quoi que ce soit, ils sont entièrement naturels. Et c'est ça que je voulais montrer dans cette exposition, mes seins en début de développement, pour refléter cette réalité des transitions de genres.

Extrait du formulaire "Appel à participation à un shooting photo" de Ancres.

Est-ce que ce projet te parle particulièrement ? Si oui, pourquoi ?

"Peu avant que je fasse mon coming out, je me prenais en photo dans des poses très sexuelles et jouer avec mon corps de cette façon. Je n'ai jamais rien publié, mais d'une certaine façon, me prendre en était une façon de me réapproprier mon corps. Je pense que ceci pourrait être intéressant ?

De plus, l'idée d'exposer mon corps pour une raison plus "militante" me parle. On parle beaucoup de nous, de nos corps en particulier, sans nous. C'est fait avec un regard fétichisés ou plein de dégoûts, sans jamais laisser celles et ceux qui traversent cette expérience en parler.

Je vois mon corps en pleine transition comme quelque chose de magnifique, celui-ci change énormément et ce n'est pas un procédé que j'ai envie de cacher, je ne me dis pas 'vivement que ce soit fini', non, j'explore et découvre mon corps."

Je ne dévoilerai jamais ces photos, bien sûr, mais j'ai en effet joué avec ça pendant un moment dans mon coin. C'était avant mon coming out et en rétrospective, je me cherchais désespérément. J'ai eu une longe phase "femboy" ponctués de "il ne faut surtout pas que je sois trans" qui a durée 2 ans comme un running gag plus irritant que drôle. 

D'une certaine façon, je dirai que je suis un produit de mon environnement. D'une culture très internet ou être un "femboy" est totalement ok et célébrer. Mais être une femme trans, c'est être harcelé à longueur de temps et être vu comme quelque chose d'affreux. Les deux sont sexualisés et fétichisés, mais de façons très différentes, il y a un mépris très ouvert envers les femmes transgenres dans ces cercles-là.

Tout ça a inévitablement influencé ma vision de moi-même et mon approche à cette exploration. 

J'ai reçu un email m'indiquant que beaucoup de candidatures avais était sélectionner et que j'étais parmi les 15 sélectionnées. Soudainement, j'ai réalisé dans quoi j'étais en train de m'engager. J'ai tout de même répondu positivement à l'email et à quelques semaines plus tard, on se rencontres toutes et tous pour le briefing.

Pendant tout le long, je me disais que je ne devrais pas être là, je ressentais, comme trop souvent, cette peur d'être illégitime, de ne pas être assez "trans", de ne pas être assez "femme". À la fin du briefing, j'étais convaincue que j'allais me désister. Puis on m'a tendu une feuille à signer pour le droit à l'image et je me suis dit qu'il n'y avait plus de retour en arrière possible, on comptait sur moi maintenant.

Je suis heureuse de "ne pas avoir eu le choix". Je l'avais, bien sûr, mais sur le moment, je me suis dit que ça n'en était pas vraiment un. Si j'avais pu partir, j'aurais encore une fois laissé certains comportements auto-destructeur m'empêcher de faire quelque chose que je voulais vraiment faire.

Deux semaines plus tard, j'arrive au studio improvisé pour l'occasion accompagnée par ma compagne pour support émotionnel. Comme toujours, une parti de l'équipe de Ancres est présente et comme toujours, me met immédiatement à l'aise avec leurs bienveillances à toute épreuve. Je m'isole dans un coin silencieux avec ma compagne, un haut-parleur joue des bruits d'eau qui coule. Et j'essaye de me détendre alors que de nouveau, je monte en panique alimentés par ma dysphorie et la honte de mon corps.

Sam arrive plus vite que ce que je pensais, et donc, il faut y aller.

Sam Castilla, alias "minuitvingtneuf".

Sam est une personne trans non-binaires qui utilisent tous les pronoms. J'ai pris soin de lui demander quels pronoms utilisés. Sam est à l'aise avec tous. J'utiliserai donc "il" avec sa permission, et parce que dans nos interactions entre nous, il semblait à l'aise avec celui-ci.

Sam est photographe de passion et voici comment il décrit ce projet :

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"Passionné par la photo depuis mon enfance, j’ai à cœur d’immortaliser et de retranscrire l’émotion, la douceur et l’authenticité du moment présent à travers mon approche photographique.

La photographie peut être vue comme thérapeutique. Elle révèle la beauté authentique qui existe dans chacun de nous et permet d’ouvrir la porte sur l’expression des sentiments qui peuvent nous habiter afin de nous reconnecter avec nous-mêmes.

J’ai plaisir à vous présenter ces photos, qui sont une ode à la liberté et à l’amour de soi. La liberté d’être enfin soi-même dans son entièreté et d’être vu pour ce que nous sommes et pas comme la société nous voit ou voudrait que l’on soit.

Un projet de visibilité, pour montrer que chaque corps dans sa singularité est beau et mérite d’être représenté afin qu’un maximum de personnes puisse s’identifier qu’importent le parcours et l’apparence."

Sam est une personne que j'avais rencontrée plusieurs fois par le passé, à des permanences de partage d'expérience organisées par Ancres, mais je ne savais pas que ce serait lui derrière le projet à la base. Si je devais le décrire en un mot, ce serait : "Doux". Sam est quelqu'un de discret, de réservés, presque timide. Il était mort de trouille lors de l'inauguration à l'idée de prendre la parole sur son projet, c'était après tout, sa première exposition. 

En parlant avec lui, c'était très évident que ce projet lui tenais énormément à cœur. Il avait une vision très précise de ce qu'il voulait faire et je me souviens être surprise de l'entendre nous présenter le projet. Tout semblait déjà existé dans sa tête, il n'y avait plus qu'à y donner vie.

J'étais vraiment heureuse de voir qu'il était satisfait du résultat final. Il peut être fier de lui. Pour l'instant, c'est sa première exposition, mais j'ai hâte de voir ses futurs travaux.

Cette section est courte, car je vais parler de lui pendant la prochaine. Sam à était incroyable pendant toute la session photo.

Le Shoot

Le shooting en soi était une expérience très particulière pour moi parce qu'il y a eu soudainement ce moment où j'ai réalisé, "OK, il faut que je me mette à moitié nue devant cette personne." C'est quelque chose que je n'ai jamais fait devant quelqu'un en fait, prendre des photos de moi à une époque, c'était simple, je prenais des photos de moi toute seule dans mon appartement, il n'y avait pas quelqu'un derrière la caméra.

Mais Sam a été très rassurant. Ce qui est assez dingue maintenant que je sais de sa part qu'il était en dissociation pendant tout le long parce que c'était très éprouvant pour lui de faire tout ça, mais il a quand même été top malgré ça. Il m'a répété plusieurs fois que si je ne veux pas, c'est OK, que je ne suis pas obligée de me déshabiller ou autre, si je ne le sens pas, c'est ok. Je respire un grand coup et enlève mon haut rapidement en me disant qu'une fois que ce sera fait, je n'aurai pas d'autres choix que de me calmer. Ma partenaire se délecte de la scène et Sam me fais juste un sourire rassurant, avant de m'indiquer où me placer.

On a parlé pendant toute la session et il a réussi à me rassurer, à me mettre à l'aise et surtout que je suis très complexe avec mon corps malgré tout et il a tellement réussi à me mettre à l'aise qu'il m'a même fait ressentir de l'euphorie de genre.

C'était une réponse à un commentaire que j'avais fait en passant sur la forme de mes seins. Je ne sais plus ce que c'était, je ne sais plus ce qu'était la réponse, mais je ne me souviens du sentiment que j'ai ressenti et du fait que ça m'était resté pendant un moment tellement ça m'avait fait beaucoup de bien de m'entendre.

Ça, c'est l'avantage de travailler avec des personnes trans sur un projet comme ça en fait. Ce sont des gens qui comprennent complètement toutes les angoisses, les plus profondes et les plus secrètes qu'on peut avoir sur nos corps, parce qu'ils les ont eux aussi eues à un moment ou un autre.

Quelques jours plus tard, Sam me contact et m'envoie la photo qu'il a choisie de moi. Il m'a expliqué par messages pourquoi son choix s'est porté sur cette photo.

"Je la trouve vraiment très jolie, pudique, poétique et vraiment d’une douceur qui se dégage de toi lorsque l’on parle avec toi. [...] dès que je l’ai vu cette photo, j’ai su direct qu’elle ferait partie des photos que j’allais sélectionner. Parce que pas besoin de voir ton visage pour voir la douceur de l’instant et ta personnalité dans cette photo."

C'est très touchant. Je suis heureuse de savoir que j'inspire ça chez lui, j'espère que ça ne changera pas.

Mon texte

Mon texte à était un énorme casse-tête à écrire. J'avais quelque chose de très précis en tête, je voulais parler d'euphorie de genre. C'est l'autre côté de la pièce bien moins connu que la dysphorie de genre.

Je voulais parler de tout le bien qu'être trans m'a fais et que notre société pousse sans arrêt une vision de la transidentité comme étant uniquement une source de souffrance. Je voulais dire que nous ne sommes pas des gens fragile et en souffrance, nous sommes des êtres humains entiers et complexe, que la seule raison pour laquelle nous sommes si souvent malheureux n'est pas par nature de ce que nous sommes, mais de comment la société nous traite.

Au bout du compte, c'est en soit ce que j'ai écrit, mais de manière beaucoup plus militante et colérique.

Je travaille sur un premier jet et une panique transphobe s'empare de l'actualités dans tout le pays. Transmania sort, deux transphobes traînent sur tous les plateaux TV, une parti du Sénat s'attaque aux droits des mineurs trans pour qui ce pays est déjà affreux. Riposte, faut partir manifestés. Je mets ça de côté, je veux écrire un billet de blog qui parle de ça.

Je n'arrive pas à l'écrire, j'ai cette colère de tout ce qui se passe dans le pays comme dans ma vie, j'ai besoin de l'exposer. Je mets le discours de côté pour me concentrer sur le texte de l'expo. On est le 17 Mai 2024. La deadline pour rendre les textes, c'est le 18. Une nouvelle manifestation commence dans deux heures, je suis dans un mix de panique militante face à ce qui se passe et juste de panique interne vis à vis de la deadline. Ma partenaire m'aide sur la fin pour le corriger et voir si le message que je veux faire passer est compréhensible.

On part de notre appartement rapidement et j'appuie sur "envoyé" dans l'email que j'envoie à ANCRES en arrivant dans la manif. Pendant la manif, inspirée par les prises de parole et ayant toujours l'énergie, je parviens à boucler le billet de blog que je voulais écrire et qui finalement, deviendra le discours que j'ai prononcé le 29 Mai.

Au bout du compte, je pense que toute cette énergie, cette panique, cette anxiété, mélanger à cette fureur militante qui m'habitait à ce moment-là, se ressens dans le texte et qu'il n'en est que meilleur.

Ma participation 

Par respect envers le projet, ainsi que la nature de ce blog, sans même mentionnées la galère que ce serait d'avoir la permission de toutes les personnes incluses, j'ai choisi de me focaliser sur ma participation à ce projet. Mais je ne suis qu'un modèle sur quinze, je vous invite vraiment - si vous pouvez - à aller voir l'exposition de vous-même tant qu'elle est encore disponible, ça vaut le coup. 

Également, j'espère qu'un jour cette exposition existera sous une forme numérique facilement accessible. Ce serait dommage que ce travail se perde si rapidement et se retrouver noyer par le contexte pourri dans lequel il est sorti.

Plume Expo

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TEXTE EXPOSÉ :

Si je vous présente aujourd’hui ma poitrine en début de transition dans toute sa vulnérabilité c’est à la base dans l’intention et le désir de vous montrer ce qu’est l’euphorie de genre. Le bonheur d'une seconde chance sculptée dans l’argile du garçon que je n'ai jamais su être, vécu comme une renaissance.

Aujourd’hui ma transition, malgré toutes ces difficultés et blessures, me donne enfin les ailes que j’ai toujours rêvé d’avoir à travers la découverte d’une profonde détermination jusqu’alors inconnue. 

Mais aujourd'hui et avant tout c’est une autre motivation qui me guide dans le dévoilement de mon corps, cette même motivation qui a failli ne pas me faire participer à l’exposition: passer outre la honte de mon corps. 

Je me dévoile ainsi, car comme beaucoup d'autres personnes transgenres, je souffre d'une profonde dysphorie à la vue de mon corps qui me pousse trop souvent à en avoir honte. C'est une source d'angoisse telle, qu’elle m'empêche parfois de sortir de chez moi. 

« Mes épaules sont trop larges, ma voix est trop grave, mes seins sont trop petits et la chose avec laquelle je suis née entre mes jambes discrédite l'identité à laquelle je prétend »

Après une enfance à me faire dénigrer parce que je n'étais pas un vrai homme, on vient aujourd’hui me dire que je ne serai jamais une vraie femme. On aurait pu m'apprendre à m'accepter et à me découvrir, au lieu de ça, on m'a appris à me détester et à me détruire.

Cette honte, cette dysphorie, elle n'est pas nécessairement innée, mais essentiellement acquise et elle doit changer de camps. C'est un poison ancré en nous de force par une société dont les racines patriarcales sont d'une fragilité telle, que notre simple existence est perçu comme un danger civilisationelle. Une société dans laquelle un enfant peut être ce qu’il veut du moment qu’il n’est pas transgenre. 

Je vous dévoile ainsi mon corps en début de transition, car il est trop important d'offrir une vision différente de nos corps et de ne plus avoir honte. 

Je suis là pour vous dire, que je n'ai pas eu besoin d'être majeur pour le savoir ou de mes hormones pour le devenir. Que ce n’est ni de la validation d'une équipe de psychiatre, ni l'autorisation du Sénat, et certainement pas l'approbation de polémistes obsédés par notre existence qui fera de moi ce que je suis. Je ne suis pas née femme, mais je le suis devenue. Transgenre, mais pas moins une femme. Je refuse de continuer d’en avoir honte. Il est temps que celles et ceux qui projettent sans cesse leurs pires vices et perversions cessent d’avoir le monopole de la parole sur nos corps et nos vies.

Je suis une femme transgenre. Et je le porterai fièrement jusqu'au jour ou ce sera aussi banal que la transphobie peut l'être aujourd'hui.

− Plume

Le rendu est magnifique, et à ma grande surprise, je suis une des seules personnes qui n'a pas voulu mettre son visage sur les photos. En fait, ça me faisait peur de mettre mon visage pour différentes raisons.

J'avais peur que les gens que je fréquente dans les événements trans et tout ça me reconnaissent et que ça change leur vision de moi. Ça, c'est de la dysphorie.

Il y avait aussi la peur que des gens qui soient des anciens collègues de travail qui pourraient de nouveau être des collègues de travail dans le futur me reconnaissent et que je reçoive des messages sur ça, Je pense à des gens qui m'ont connu avant mon coming out et je ne sais même pas sûr qu'ils soient au courant et parmi eux il y en a certains qui avaient tenu des propos plutôt transphobes et tout ça, c'est plus quelque chose que si je dois le faire, je veux que ce soit fait en personne.

Et enfin, ouais, j'avoue que j'avais un peu cette angoisse de faire ça dans un pays où l'extrême droite est en embuscade, et qui maintenant, l'est encore plus, ce que je n'avais pas prévu à l'époque. Ça me faisait un peu peur malheureusement.

Mais au bout du compte, j'ai quand même heureuse du résultat. Je suis honorée d'avoir pu participer à ce projet, un grand merci à toutes les personnes qui ont participé à rendre ce projet possible.

Expo Sans Dessous Dessus (sans texte)


Un message à la communauté trans bordelaise, le reste de la vie associative de Bordeaux.

Ma compagne est la plus belle chose qui me soit arrivé. Grâce à elle, j'ai enfin pu m'accepter comme étant celle que je suis vraiment et grâce à elle, j'ai fait votre rencontre. Vous, la communauté trans et les gens que j'ai pu y rencontrer, ma communauté, vous êtes la deuxième plus belle chose qui me soit arrivé. Dedans, j'ai pu me comprendre, me découvrir, m'explorer et si j'y suis rentrée en m'appelant Plume, c'est grâce à elle que j'ai pu apprendre à déployer mes ailes.

Aujourd'hui, je suis en trouple avec celle qui m'a permis de me découvrir et une autre femme trans merveilleuse, avec qui nous partageons notre cœur.

Je participe fréquemment à des événements, je prends la parole, je tente d'aider du mieux que je peux et j'ai des gens qui viennent me voir en me remerciant de ce que je peux parfois dire, quand c'est moi qui aie envie de les remercier de tout ce qu'ils ont fait pour moi. Leurs dires à quel point je les admire. Je ne peux qu'espérer pouvoir rendre le quart du bien à ma communauté que celle-ci m'a apporté.

Merci au Girofard pour toutes l'aide que vous m'avez apporté dans ma transition. Lorsque j'ai fait ma première Pride dont vous étiez organisateur principal, j'ai pu voir de mes propres yeux des personnes trans, jeune comme âgés, heureuses et ressentir ce déclique se faire en moi. Grâce à vous, j'ai un médecin qui me comprend, m'écoute, et me traite humainement pour la première fois de ma vie.

Merci à Trans 3.0 dont certains membres ont tout simplement propulsé ma transition d'un point de vue administrative. Un procédé qui n'est toujours pas fini et à pris bien plus de temps que ce que j'espérais, mais qui serait probablement encore au point mort sans leurs aides.

Merci au planning familial de Gironde, qui organise beaucoup d'événements pour notre communauté, y compris le Jour du Souvenir Trans de 2023, ou j'ai pour la première fois pris la parole publiquement et touché en plein cœur la femme avec qui m'a compagne et moi partageons notre vie.

Je tiens aussi remercier la ville de Bordeaux elle-même. J'ai eu des galères vis-à-vis de ma transidentité, mais pas à Bordeaux. Toutes les personnes qui m'ont accompagnée dans mon parcours de transition administrative sur Bordeaux, on était ultra compréhensive. Merci pour votre soutien à notre communauté.

Un remerciement tout particulier à Ancres.

Je souhaite dire un très grand et tout particulier merci à Ancres. Pareil pour Sam. Vous m'avez donné l'opportunité de m'exprimer, une chance de me réhabiliter mon corps et de militer pour ma communauté au travers ce magnifique projet. Je suis fière d'avoir pu y participer.

Je tiens également à dire à toutes les personnes de l'association Ancres la chose suivante : quand je dis que ma communauté est la deuxième plus belle chose qui me soit arrivé, c'est particulièrement de vous dont je parle. J'ai beaucoup fréquenté vos permanences de partage d'expérience et j'ai pu y rencontrer des personnes absolument formidables qui font qu'après tant d'années de vie à Bordeaux, je peux enfin planter mes racines.

Je ne suis pas une personne très sociable. Vos permanences de partage d'expérience m'offrent un refuge mensuel dans lequel je peux me retrouver de gens qui je sais, me comprendront. De toutes les contributions que des gens ou d'autres associations ont pu faire à mon parcours trans, celle-ci continue d'être la plus importante.

À toutes les personnes de cette association, toutes celles et ceux avec qui j'ai pu un jour discuter pendant une permanence, sachez que vous avez irrévocablement changé ma vie et je ne pourrai jamais assez vous remercier d'être la plus belle des lumières dans la noirceur des temps que notre pays traverse.

Je vous aime. Vous êtes ma famille choisie.

Merci d'avoir lu.

🩵🩷🤍


 

Historique de la publication.

25-06-2024 17:36

13-06-2024

#projets #transidentité