Le Perchoir 🪶

L'économie n'existe pas.

Quand je commence à écrire ceci, je reviens d'une manifestation où on était plus d'une dizaine de milliers dans la rue contre l'extrême droite avec un chant unifié pour le Nouveau Front Populaire.

Je voulais publier concernant la dissolution de l'assemblée et toutes les implications que ça amène, mais il y a tellement de choses à dire et surtout, tellement de choses qui changent en permanence que j'ai mis ça de côté. À défaut de pouvoir faire mieux, je vais en manif, j'irai bientôt tracter et surtout, j'irai voter. Je ne peux que vous inviter à faire de même, surtout le vote.

Face à cette situation, j'ai vu beaucoup de choses être dites. Mais une chose m'a beaucoup interpellée. C'est la réaction de certains au programme du Nouveau Front Populaire. Certaines mesures font débat, comme le SMIC à 1 600 € net, notamment.

J'ai vu diverses réactions à ce programme. Personnellement, dire qu'il me rend enthousiaste serait un euphémisme. Ce programme a le potentiel de changer la vie d'une énorme partie de la population en bien, la mienne y compris, sur de nombreux aspects. Mais pas toutes les réactions étaient optimistes, en particulier, certains posaient la fameuse question de : "On le trouve ou l'argent ?"

Bah, faut lire le programme ?

Le plafonnement des héritages, la taxation des ultra-riches, une meilleure répartition des impôts, rétablissement de l'ISF, etc. Vous croyez que ça sert à quoi ? Et là, on nous sort systématiquement la même chose qu'on nous sort depuis toujours : "Blablabla, monde de Bisounours... blablabla, les riches vont partir..."

Et à ces gens, j'ai envie de leur demander... c'est vraiment ça votre vision du monde ? Dire à des gens qui galèrent, qui ne peuvent pas finir le mois, que de toute façon c'est comme ça et qu'on peut rien y faire parce que ça va coûter trop cher de changer les choses ? Que leur condition de vie ne peut pas s'améliorer parce que ça va coûter trop cher aux entreprises et que sinon les riches vont partir ?

Le capitalisme a vampirisé vos rêves et parasite votre humanité. Si c'est ça l'idéal, il doit changer. Je ne peux pas entendre que si des gens sont dans la rue, c'est une sorte de mal nécessaire quand il y a tant de logements vides. Que quelqu'un ne puisse pas manger à sa faim parce que ça ferait fuir certains qui ont des milliards d'euros à leurs disposition. Dans quel monde est-ce moral d'être milliardaire ? Quel rythme de vie peut justifier de telles sommes ? Pourquoi est-ce tabou de soulever cette question ?

Ces fameux milliardaires dont on vante sans arrêt la chance qu'ils représentent pour notre pays. Quelle chance nous avons d'avoir des gens qui s'approprient tout le patrimoine immobilier du pays pour faire payer des loyers exorbitants que plus personne ne peut se payer. Quelle chance on a d'avoir ces gens qui ont désormais la mainmise sur tout le système médiatique du pays et s'en servent pour attiser les haines et faire monter l'extrême droite.

Nous nous répétons qu'on a besoin d'eux, car ils créent l'emploi, mais c'est faux. Ils suppriment plus de postes qu'ils n'en créent parce que même lâcher un SMIC, ça leur arrache la gueule et donc, tous les restaurants et tous les magasins de ce pays se retrouvent en sous-effectif constant. Tout le monde est payé un SMIC, mais fait trois jobs en même temps parce qu'il faut maximiser les profits pour continuer d'essayer de soutirer de la croissance, encore et toujours plus de croissance, qu'importe le coût humain, les vies ne sont que des chiffres.

Nous payons toutes et tous collectivement le prix d'une société sur-industrialisée par notre temps de travail fourni et nos conditions de vie trop souvent discutables, pour pouvoir "privilégier" de notre mode de vie. Une promesse qui s'efface sans cesse au nom de l'inflation. On travaille toujours autant, si ce n'est pas plus, ce dernier n'est pas mieux rémunéré, mais absolument tout ne cesse d'augmenter en prix. L'inflation, qu'on nous dit, "les temps sont durs pour tout le monde" qu'ils osent nous dire avec leurs milliards. L'inflation baissera, mais pas les prix, parce que les méga-industriels savent que maintenant, ils peuvent nous faire payer ces prix-là.

Mais non, ce sont les gens qui touchent le RSA qui vivent sur le dos des Français. Parce que ne toucher même pas 650 € par mois pour une personne sans enfant, c'est une somme apparemment pharaonique. Ce sont les chômeurs, à qui on ne cesse de taxer du temps de chômage sans que jamais on ne leur rende la cotisation qu'ils ont donné pour. C'est le pire des crimes d'être pauvre.

On vient nous parler de ruissellement quand certains baignent dans des océans. Et je ne parlerai même pas ici du coût humain que ça a pour les pays les plus pauvres de notre planète. Ces populations sans cesse exploitées et abusées pour soutenir tout ceci. Ces gens sur lesquels reposent ces systèmes qui nous exploitent, faisant de nous des exploiteurs de celles et ceux pour qui pas même des gouttes ne ruissellent.

Je sais ce qu'on va me dire. "Plume, tu fais du populisme ! Tu donnes plus des slogans que des arguments, là. etc." Oui. C'est une simplification. Mais est-elle fausse ? Notre système est-il réellement plus complexe que ça ? Venez me dire que le ruissellement n'est pas une énorme arnaque. Je suis convaincue que tout le monde sait que le système n'est pas juste défaillant. Que ce n'est pas juste un bug dans le logiciel, mais bien une fonctionnalité délibérément mise en place.

On nous a juste tellement répété encore et encore que c'est ainsi, que c'est l'ordre naturel des choses, que l'histoire est finie et qu'on n'est simplement pas nés à la bonne époque, que nous nous sommes toutes et tous résignés à accepter que ça ne puisse pas changer.

Oui, je me plains que la vie est injuste. C'est juvénile, c'est puéril même, c'est ce que vous voulez, mais c'est tellement plus humain et sincère que ce cynisme de systématiquement demander "Et, vous le trouvez où l'argent ?" dès que quelqu'un ose parler d'améliorer les conditions de vie des gens de ce pays.

La vie sera toujours injuste, il y aura toujours des perdants, qu'importe le système, mais on se doit de faire au mieux ! Je n'en peux plus d'entendre des gens dire sous un faux humanisme, que l'on ne peut pas accueillir toute la misère du monde, car on a déjà trop de pauvres ici, quand ces mêmes gens viennent ensuite s'opposer aux solutions proposées en nous disant qu'on ne peut pas aider ces pauvres parce que ça coûterait trop cher.

On laisse les gens crever en mer, on laisse les gens crever dans la rue, de toute façon, c'est comme ça, il ne faudrait pas que les milliardaires qui font déjà tout ce qu'ils peuvent pour contribuer le moins possible à la vie du pays, aient l'idée de le quitter.

Nous mettons nos vies de côté aux services des rêves de celles et ceux qui sont nés dans les bonnes familles. Notre système économique tout entier s'est plié à la volonté de ces gens. Tout vise maintenant à satisfaire une classe de gens qui vivent au-dessus de nos moyens et dont nous nous sommes toutes et tous convaincus qu'ils étaient indispensables, quant au bout du compte, ils ne contribuent rien à notre société.

Notre système économique est censé protéger les vies humaines, pourquoi est-ce l'inverse ? Le capitalisme se comporte comme un parasite dans l'organisme qu'est notre société. Comme tout parasite, il n'a que sa propre survie en tête. On sacrifie des vies humaines pour protéger ce système. Il ne nous sert pas, nous le servons. Il dépend de nous, cessons de croire que l'on dépend de lui.

La montée du fascisme dans l'occident n'est rien de plus que le symptôme de ce modèle économique dont les limites ont été atteintes. Le fascisme n'est rien d'autre que la forme finale du capitalisme, sans cesse au bord de l'implosion, il se replie sur lui-même et se protège par la répression. Cette classe bourgeoise qui a si aisément collaboré avec le Nazisme par le passé, fera toujours alliance avec son spectre sur le retour avant de considérer la moindre augmentation de salaire.

Le capitalisme se replie sur lui-même, car il se sent menacé. Il se sent menacé parce que tout le monde sait que nous vivons une arnaque collective. Parce que dans l'ombre d'anciennes générations résignées, existe une jeunesse qui a vu ses parents se faire exploiter pour rien, qui, fraîchement arrivée dans le monde du travail, est déjà rongée par l'usure de vivre des crises économiques historiques tous les six mois, vivant des vies qui ne mènent à rien et qui n'ont de sens que pour celles et ceux qui les exploitent.

En l'absence de propositions, certains virent à l'extrême droite, séduits par son racisme et ses LGBTIphobies. D'autres, entourés d'amis immigrés, d'origines étrangères, racisés et/ou d'amis LGBTI, ne trouvent souvent aucun autre choix que de se dépolitiser, car personne ne propose d'alternative. Et c'est pour ça que le Nouveau Front Populaire résonne autant avec la jeunesse de ce pays, dont je fais partie.

Pendant que certains répètent sans cesse qu'augmenter les salaires et que taxer les milliardaires est utopiste, d'autres proposent une lutte des classes par le bas, instrumentalisant les haines qu'ils attisent dans le pays. Au bout du compte, tout n'est qu'une question de récit proposé. Quel avenir proposons-nous aux gens de ce pays ? La résignation ne mènera qu'au fascisme, le barrage ne suffit plus, la solution doit être radicale.

Pendant longtemps, nous avons collectivement accepté une fiction qui nous fait croire que le monde est ainsi et que c'est l'ordre naturel des choses. Mais ce n'est que ça. Une fiction. Elle est donc contestable.

C'est quelque chose qu'on a inventé de toutes pièces, ce n'est pas une force naturelle. Aussi tangible parait-elle, elle reste quelque chose que nous avons créé de toutes pièces. Mais parce qu'on est né dedans, parce que c'est ce que nous avons connu toute notre vie, on peut facilement se convaincre que c'est quelque chose d'aussi naturel que l'air que nous respirons.

Nous devons arrêter de prétendre qu'un crash économique équivaut à une catastrophe naturelle. Que ce sont juste des choses qui arrivent sans que personne ne puisse y prévoir quoi que ce soit, quand chaque crise économique majeure a été prévenue et systématiquement ignorée pour que certains puissent en profiter le plus possible et ne jamais proprement payer pour les vies détruites par leurs actes.

Nous ne devrions pas y être condamnés, encore moins nous y soumettre.

Qu'importe le modèle de société que l'on choisit dans l'avenir, même dans une transformation profonde du capitalisme : Il serait bien que l'on se rappelle de temps en temps que tout ça n'existe pas réellement.

L'économie n'existe pas. Ce n'est pas moi qui suis utopiste, c'est vous qui êtes cynique.

C'est une ombre sur le mur. Une fiction collective, qui existe pour beaucoup de raisons, mais qui reste fictive. Ce sont des lois non-naturelles, nous pouvons les tordre, et même les changer aux services de l'humanité, car c'est elle qui les a écrites en premier lieu. C'est une force entièrement artificielle, cessons de la traiter comme une réalité absolue et divine.

Et si cette fiction nous déplaît, on peut en modifier la narration, changer l'histoire. Autrement dit, les pauvres milliardaires qui n'ont pas envie d'être taxés, qu'ils se barrent. On n'a pas besoin d'eux, ils ont besoin de nous.

Nous ne sommes pas la demande, nous sommes l'offre. À prendre, ou à laisser.

Merci d'avoir lu.

Votez pour le Nouveau Front Populaire. Pour un monde où les Bisounours touchent un SMIC à 1 600 € net.


Historique de la publication.

2024-06-17 01:33

2024-06-16 14:21

2024-06-15 12:09

⋅ ⋅ ⋅

Ce billet de blog était de base censée être un commentaire sur ce post Instagram, en réponse à la frustration que je pouvais ressentir en lisant certaines réponses parlant du programme, avec la fameuse question de : "Ou on trouve l'argent."

J'ai alors rapidement écrit :

Pour certains dans les commentaires, c'est vraiment ça votre vision du monde ? Dire à des gens qui galèrent, qui ne peuvent pas finir le mois, que de toutes façons c'est comme ça et qu'on peut rien y faire parce que ça va coûter trop cher de changer les choses ? Que leur condition de vie ne peut pas s'améliorer parce que ça va coûter trop cher aux entreprises et que sinon les riches vont partir ?

Je refuse d'entendre que je suis utopiste, c'est vous qui êtes cynique.

L'économie est quelque chose qu'on a inventé de toute pièce, ce n'est pas une force naturelle. Alors arrêtons de prétendre qu'un crash économique, c'est la même chose qu'une catastrophe naturelle. Que c'est une entité sur laquelle on a aucun contrôle et que "bon, bah, c'est comme ça". Non, si c'est comme ça, c'est parce que c'est quelqu'un qui l'a voulu à la base, on peut changer ce genre de choses. On ne devrait pas y être condamné, et encore moins s'y soumettre.

Ce serait bien qu'on se rappel de temps en temps que ça n'existe pas en fait, à la base. C'est une force entièrement artificielle, cessons de le traité comme une réalité absolue et divine.

Je ne l'ai jamais posté. Mais je l'ai tout de même gardé et je savais que je voulais en faire quelque chose. J'avais oublié que la phrase : "Je refuse d'entendre que je suis utopiste, c'est vous qui êtes cynique." était déjà présente dans l'original. J'aime beaucoup son impact, mais plus que la forme, le fond est quelque chose que je souhaitais exprimer, et un simple commentaire Instagram n'allais pas suffire. D'une manière générale, la majorité du commentaire s'est retrouvée dans le billet final, donc c'était une bonne base.

Je suis partie à la manifestation, l'envie d'écrire tout ça coincée dans ma tête.

J'y ai consacré toute ma soirée, ainsi que toute ma nuit. J'ai fait la blague à des proches que ce qui devait être un simple billet de blog, était en train de devenir mon manifeste anti-capitaliste et anti-fasciste. Ce billet était en train de prendre des proportions bien plus larges qui devenaient bloquantes pour moi.

Arrivée à plus de 5h du matin, toujours loin d'avoir un résultat satisfaisant, j'entend ma compagne m'appeler depuis la chambre, je me rends compte de l'heure qu'il est et je vais me coucher, particulièrement frustrée par ce billet toujours pas fini sur lequel je coincée depuis plusieurs heures déjà, à écrire et réécrire certains bouts, craignant de ne jamais le publiée.

Finalement, à mon réveil, je m'y suis immédiatement remis. Beaucoup du texte à était retirés pour nettoyer le tout. À un certain point, le billet était divisé en quatre partis différents, dont toute une large partie sur la question du fascisme qui n'a jamais était fini, et à était retirés entièrement, car elle faisait un trop gros détour. J'en ai tout de même garder le message essentiel qui me paraissait trop important de dire. Je ne publierai pas ces bouts de texte retirés, ils sont incomplets et pourraient être susceptibles d'être utilisés pour autre chose.

J'ai peaufiné le tout, et l'ai mis dans un lecteur de texte avec une voix synthétique pour le réécouter. Je n'étais pas spécialement convaincue de ce que j'avais écrit, car après avoir passée beaucoup trop de temps dessus, rien n'aurai pu me convaincre. Mais à le réentendre, j'étais agréablement surprise par le résultat. Ce que j'ai changé après cette écoute, sans compter les simples corrections, était finalement très mineurs.

Au bout du compte, je ne regrette pas d'avoir enlevé ce que j'ai enlevé et rajouter ce que j'ai rajouté la nuit précédente. Comme quoi, même si je suis allée m'endormir en étant frustré, le sommeil comme pause était ce dont j'avais besoin.

#politique